Dans le monde de la gouvernance, peu de sujets soulèvent autant d’enjeux de crédibilité, de transparence et d’éthique que les conflits d’intérêts. Lorsqu’ils ne sont pas identifiés et gérés de façon rigoureuse, ces conflits peuvent miner la légitimité d’un conseil d’administration (CA), affaiblir la prise de décision stratégique, nuire à la réputation de l’organisation et même entraîner des conséquences juridiques.
Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêts?
Un conflit d’intérêts survient lorsqu’un administrateur ou un membre du CA a des intérêts personnels, professionnels ou financiers susceptibles d’interférer avec l’objectivité de ses décisions dans le cadre de ses fonctions. Ce n’est pas tant l’existence d’un conflit qui est problématique, mais le fait de ne pas le divulguer ou de ne pas le gérer correctement.

Pourquoi est-ce dangereux pour un conseil d’administration?
- Décisions biaisées ou inéquitables
Un administrateur en conflit d’intérêts peut favoriser des solutions qui lui profitent personnellement, au détriment des intérêts collectifs ou de la mission de l’organisation.
- Perte de confiance des parties prenantes
Actionnaires, membres, employés, bailleurs de fonds et partenaires peuvent perdre foi en la gouvernance de l’organisation si la transparence fait défaut.
- Risque de litiges
Des décisions entachées de conflits d’intérêts peuvent être contestées devant les tribunaux, entraînant des coûts juridiques, des sanctions et une perte de réputation.
- Atteinte à la mission et à l’indépendance du CA
Lorsqu’un conseil est dominé par des intérêts personnels, il tend à se comporter comme une simple chambre d’enregistrement. Plutôt que de jouer pleinement son rôle de gouvernance stratégique — en questionnant, en débattant et en orientant —, il se limite à valider des décisions préalablement convenues, souvent sous influence. L’organe perd alors sa capacité à représenter l’intérêt collectif de manière indépendante.
Exemples concrets de conflits d’intérêts
- Conflit contractuel : un administrateur participe à la décision d’octroyer un contrat à une entreprise dans laquelle il détient une participation financière ou où un membre de sa famille travaille.
- Conflit d’emploi : un administrateur siège au CA tout en occupant un poste rémunéré dans l’organisation (double casquette), ce qui peut influencer ses décisions sur les salaires ou la performance du DG.
- Conflit d’affiliation : un administrateur siège aussi au CA d’une organisation concurrente ou cliente, créant une tension entre loyautés.
- Utilisation d’informations privilégiées : un administrateur utilise des renseignements confidentiels obtenus dans le cadre de son mandat pour en tirer un avantage personnel ou pour une entreprise à laquelle il est lié.
- Conflit philanthropique : dans les organismes sans but lucratif, un administrateur pourrait favoriser un projet parce qu’il est lié à un donateur majeur, au lieu de prioriser les objectifs stratégiques définis.
Comment prévenir et gérer ces conflits?
- Adopter une politique de gestion des conflits d’intérêts
Chaque conseil devrait adopter une politique claire, définissant les types de conflits, les obligations de divulgation et les mécanismes de retrait.
- Exiger une déclaration annuelle
Les administrateurs doivent signer une déclaration d’intérêts à jour chaque année, incluant leurs liens professionnels, financiers et familiaux.
- Encourager une culture de divulgation
Les conflits potentiels doivent être déclarés dès qu’ils surviennent, sans crainte de jugement. La transparence est la première défense.
- Retrait des discussions et des votes
Lorsqu’un conflit est identifié, l’administrateur concerné doit se retirer de la discussion et s’abstenir de voter sur la décision.
- Former les administrateurs
Une formation en éthique et en gouvernance permet de sensibiliser le CA aux enjeux et de renforcer la vigilance.
Conclusion
Le conflit d’intérêts n’est pas en soi une faute, mais sa mauvaise gestion en est une. Un conseil d’administration efficace et crédible est celui qui identifie les zones de tension, agit avec rigueur et favorise une gouvernance éthique. En d’autres termes, une organisation saine repose sur la capacité de ses dirigeants à choisir l’intérêt collectif, même lorsque cela signifie s’effacer momentanément.