Gouvernance démocratique vs gouvernance autoritaire : repères fondamentaux pour mieux comprendre les enjeux


Introduction

Dans les dernières décennies, la démocratie américaine a été confrontée à de multiples tensions : polarisation idéologique extrême, crises de confiance envers les institutions, dérives populistes, et personnalisation croissante du pouvoir exécutif. L’assaut du Capitole en janvier 2021 n’est que l’un des symptômes visibles d’un système démocratique fragilisé. Plus que jamais, les États-Unis se trouvent à la croisée des chemins entre un modèle fondé sur la délibération, la reddition de comptes et les contre-pouvoirs — et une tentation autoritaire axée sur la concentration des pouvoirs et la mise en doute des règles du jeu institutionnel.

Face à ces transformations, une question s’impose : quelles formes de gouvernance contribuent réellement à la stabilité, à la justice et au bien commun ? Et que peut-on apprendre, en comparaison, de l’évolution plus stable, mais non exempte de défis, du modèle canadien ?

Cette série de dix articles vise à explorer les différences fondamentales entre les modèles de gouvernance démocratique et autoritaire, en mettant l’accent sur le contexte nord-américain. Nous analyserons les mécanismes qui assurent l’efficacité d’un système économique et social, en examinant les dimensions éthiques, législatives, judiciaires, exécutives, réglementaires, sociales et internationales.​

Définir la notion de gouvernance

Avant de comparer les modèles, il importe de préciser ce que nous entendons par gouvernance. Il ne s’agit pas uniquement de la gestion des affaires de l’État, mais d’un ensemble de mécanismes, d’institutions, de règles et de pratiques qui permettent à une société de (1) prendre des décisions, (2) de les mettre en œuvre, (3) d’en surveiller les effets et (4) d’en rendre compte.

Une gouvernance efficace repose sur plusieurs principes essentiels :

  • Légitimité : Les décisions sont prises sur la base d’un mandat démocratique ou d’une reconnaissance sociale.
  • Transparence : La transparence consiste à rendre accessibles et compréhensibles les décisions ainsi que leurs justifications.
  • Responsabilité : Les acteurs sont imputables de leurs décisions.
  • Participation : L’inclusion des citoyens et des groupes concernés dans le processus décisionnel est fondamentale.
  • Prévisibilité : Les règles doivent être stables, claires et appliquées de manière cohérente.
  • Efficacité : Les institutions doivent atteindre leurs objectifs tout en servant l’intérêt public.

La gouvernance comprend l’exécutif, le législatif, le judiciaire, les organismes de contrôle (comme la SEC aux États-Unis), les autorités réglementaires au Canada, les grandes entreprises, les médias, les syndicats et les ONG. Leur rôle est d’assurer le bon fonctionnement des marchés, la protection des droits fondamentaux, la régulation des rapports de force et la cohésion sociale.

Gouvernance démocratique et autoritaire : deux logiques opposées

Dans une démocratie libérale, la gouvernance repose sur l’équilibre des pouvoirs, la primauté du droit, le respect des procédures et une presse libre. Aux États-Unis, ces principes sont inscrits dans une Constitution inviolable et une culture politique de séparation stricte des pouvoirs. Le Canada, quant à lui, adopte un régime parlementaire de type britannique, où la fusion du législatif et de l’exécutif permet une plus grande fluidité dans l’action gouvernementale — mais aussi une dépendance plus forte à la culture politique et au respect des conventions.​

À l’opposé, une gouvernance autoritaire se caractérise par :​

  • La concentration du pouvoir exécutif entre les mains d’un leader ou d’un parti.​
  • La marginalisation des contre-pouvoirs, qu’ils soient parlementaires, judiciaires ou médiatiques.​
  • Le recours accru à la force, à la peur ou à la désinformation pour maintenir l’ordre.​
  • Une instrumentalisation des institutions à des fins partisanes ou personnelles.​

Ces logiques sont souvent en tension dans les démocraties contemporaines. Aux États-Unis, certains événements récents, tels que les pressions sur le système judiciaire, les attaques contre les médias et le refus de reconnaître des résultats électoraux, indiquent des tendances inquiétantes vers des formes d’autoritarisme institutionnalisé. Le Canada, bien que plus stable, n’est pas exempt de ces tensions. Les débats autour de l’utilisation des pouvoirs d’urgence et la concentration du pouvoir au sein du cabinet du premier ministre en sont des exemples probants.

Une grille d’analyse comparative

Cette série d’articles examinera les enjeux en comparant les parcours américain et canadien sur dix thèmes clés.​

SujetDescription
Éthique publique et exercice du pouvoirComparaison entre la culture de l’intégrité et la tolérance à l’opacité ; mécanismes de déontologie politique
Processus législatif et état de droitAnalyse du blocage institutionnel au Congrès et de la discipline partisane canadienne
Indépendance judiciaireÉtude des pressions politiques sur la Cour suprême et du respect relatif des tribunaux au Canada
Pouvoir exécutif : président vs premier ministreComparaison entre le présidentialisme et le cabinet responsable
Contrepoids institutionnels et transparenceExamen du rôle du Congrès, des comités, de la presse et des agents indépendants
La SEC et gouvernance des marchés financiersRégulation, indépendance, capture réglementaire — étude du rôle des agences provinciales au Canada
Contraintes réglementaires et gouvernance économiqueÉquilibre entre libertés économiques et régulation publique dans les deux pays
Bien-être social et politiques publiquesSanté, éducation, fiscalité redistributive — analyse comparative des visions de l’État social
Relations internationales et diplomatieUnilatéralisme, alliances, droits de l’homme — comparaison des positions du Canada
Perspectives de la gouvernance démocratique en Amérique du NordAnalyse des risques, de la résilience et des scénarios alternatifs

Conclusion

La gouvernance n’est pas une abstraction juridique ou technocratique. Elle façonne concrètement les sociétés, en déterminant qui décide, comment, dans l’intérêt de qui, et selon quelles règles. En confrontant les logiques démocratiques et autoritaires dans le contexte américain — et en les comparant au modèle canadien —, cette série d’articles synthétiques vise à éclairer les tensions de notre époque et les choix qui s’offrent aux citoyens, aux institutions et aux dirigeants.​

La gouvernance au moyen de la démocratie ne doit jamais être considérée comme une garantie ou une certitude. Elle constitue un projet collectif, exigeant et vulnérable. Comprendre ses mécanismes est essentiel pour participer à sa préservation.​

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Auteur : Gouvernance des entreprises | Jacques Grisé

Ce blogue fait l’inventaire des documents les plus pertinents et récents en gouvernance des entreprises. La sélection des billets, « posts », est le résultat d’une veille assidue des articles de revue, des blogues et sites web dans le domaine de la gouvernance, des publications scientifiques et professionnelles, des études et autres rapports portant sur la gouvernance des sociétés, au Canada et dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Europe, et en Australie. Chaque jour, je fais un choix parmi l’ensemble des publications récentes et pertinentes et je commente brièvement la publication. L’objectif de ce blogue est d’être la référence en matière de documentation en gouvernance dans le monde francophone, en fournissant au lecteur une mine de renseignements récents (les billets quotidiens) ainsi qu’un outil de recherche simple et facile à utiliser pour répertorier les publications en fonction des catégories les plus pertinentes. Jacques Grisé est professeur titulaire retraité (associé) du département de management de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Il est détenteur d’un Ph.D. de la Ivy Business School (University of Western Ontario), d’une Licence spécialisée en administration des entreprises (Université de Louvain en Belgique) et d’un B.Sc.Comm. (HEC, Montréal). En 1993, il a effectué des études post-doctorales à l’University of South Carolina, Columbia, S.C. dans le cadre du Faculty Development in International Business Program. Il a été directeur des programmes de formation en gouvernance du Collège des administrateurs de sociétés (CAS) de 2006 à 2012. Il est maintenant collaborateur spécial au CAS. Il a été président de l’ordre des administrateurs agréés du Québec de 2015 à 2017. Jacques Grisé a été activement impliqué dans diverses organisations et a été membre de plusieurs comités et conseils d'administration reliés à ses fonctions : Professeur de management de l'Université Laval (depuis 1968), Directeur du département de management (13 ans), Directeur d'ensemble des programmes de premier cycle en administration (6 ans), Maire de la Municipalité de Ste-Pétronille, I.O. (1993-2009), Préfet adjoint de la MRC l’Île d’Orléans (1996-2009). Il est présentement impliqué dans les organismes suivants : membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ), membre du Comité des Prix et Distinctions de l'Université Laval. Il préside les organisations suivantes : Société Musique de chambre à Ste-Pétronille Inc. (depuis 1989), Groupe Sommet Inc. (depuis 1986), Coopérative de solidarité de Services à domicile Orléans (depuis 2019) Jacques Grisé possède également une expérience de 3 ans en gestion internationale, ayant agi comme directeur de projet en Algérie et aux Philippines de 1977-1980 (dans le cadre d'un congé sans solde de l'Université Laval). Il est le Lauréat 2007 du Prix Mérite du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) et Fellow Adm.A. En 2012, il reçoit la distinction Hommage aux Bâtisseurs du CAS. En 2019, il reçoit la médaille de l’assemblée nationale. Spécialités : Le professeur Grisé est l'auteur d’une soixantaine d’articles à caractère scientifique ou professionnel. Ses intérêts de recherche touchent principalement la gouvernance des sociétés, les comportements dans les organisations, la gestion des ressources humaines, les stratégies de changement organisationnel, le processus de consultation, le design organisationnel, la gestion de programmes de formation, notamment ceux destinés à des hauts dirigeants et à des membres de conseil d'administration.

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