Comprendre et croire comprendre | Le propos de René Villemure


Poursuivant notre habitude de collaboration avec des experts avisés en matière de gouvernance, nous avons demandé à René Villemure*, éthicien, d’agir à titre d’auteur invité et de poser un regard philosophique sur une dimension de la gouvernance : la capacité à appréhender une situation de manière holistique plutôt que de façon fragmentaire.

Voici donc la réflexion que nous propose René. Vous pouvez visiter son site à www.ethique.net pour mieux connaître ses intérêts.

Vos commentaires sont appréciés. Bonne lecture.

par René Villemure*

Comprendre et croire comprendre

Croire comprendre est un état bien dangereux

– Paul Valéry

Tout le succès de l’appréciation d’une situation, tant politique, professionnelle que de gouvernance provient de la distinction entre les concepts de « comprendre » et de « croire comprendre »…

La personne qui comprend est celle qui peut saisir l’ensemble (cum et prehende, en latin), celle qui sait sage de prendre une distance, celle qui sait, parce qu’elle recherche l’ensemble, qu’elle doit prendre un pas de recul afin d’admirer la perspective, l’ensemble du panorama, afin de le saisir, de le comprendre.

La vue d’ensemble d’une situation permet d’apprécier chaque détail et lui donnant sa juste place. Sans excès. Sans insuffisance. La juste place (dans l’ensemble) est celle de l’équilibre, celle où les pièces prennent sens et donnent un sens.

À l’opposé, la personne qui croit comprendre regarde les pièces pêle-mêle, sans savoir ou sans pouvoir apprécier le fait que les pièces composent un camion, un édicule ou un arbre. La personne qui croit comprendre se demande sans cesse « comment » arranger les pièces sans égard à la finalité de l’ensemble, qui lui est étrangère.

La personne qui comprend sait « pourquoi » les pièces s’agencent, elle peut apprécier la finalité du projet et ainsi le réaliser. Sans comprendre, sans la capacité à saisir l’ensemble, la personne qui croit comprendre ne saura jamais si son projet est en cours ou s’il est surachevé. La personne qui croit comprendre ne comprend pas.

La distinction entre « croire comprendre » et « comprendre » est la même que celle qui existe entre le technicien de l’art et l’artiste. Le premier sait « comment faire », le second sait, en plus, « pourquoi faire »…

C’est pourquoi le membre du conseil d’administration ne saurait se contenter de « croire comprendre ». La compréhension, la capacité à « saisir l’ensemble » des enjeux d’une société, est une compétence essentielle à la personne qui siège sur un conseil d’administration. Sans cette capacité, le membre du conseil ne pourra que reproduire des solutions pensées par d’autres, pour d’autres, avec un résultat souvent aléatoire.

Comprendre permet de donner du sens à une décision.

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* René Villemure est Éthicien et Chasseur de tendances. il a fondé l’Institut québécois d’éthique appliquée en 1998 et Éthikos en 2003. Il a été le premier éthicien au Canada à s’intéresser à la gestion éthique des organisations à l’époque où personne ne connaissait les termes «gouvernance», «responsabilité sociétale des entreprises», «développement durable» et «gestion éthique». Il croyait que ces sujets étaient cruciaux, fondamentaux, incontournables, et ne devaient pas demeurer dans l’ombre ou le privilège de quelques experts et éthiciens d’occasion.

Le cœur de la démarche de René Villemure est de mettre de l’avant et de rendre accessibles les questions d’éthique. Cette démarche a pris son envol en 1998 avec la création de l’Institut québécois d’éthique appliquée et est portée depuis 2003 par Éthikos pour le volet international. En effet, il a réalisé plus d’une quarantaine de diagnostics éthiques, a rédigé autant d’énoncés de Mission et de Guides de valeurs pour ses clients. Au cours de la même période, il a formé plus de 40 000 personnes en éthique dans plus de 400 organisations en Amérique, en Europe et en Afrique.

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