Faire la promotion d'une gouvernance exemplaire dans les sociétés
Le devoir de fiduciaire des conseillers financiers
Aujourd’hui, je vous propose la lecture d’un article de La Presse dans lequel la journaliste, Stéphanie Grammond, fait référence à un mémoire que leGroupe de recherche en droit des services financiers (GRDSF), dirigé par Me Raymonde Crête de la Faculté de Droit de l’Université Laval, a récemment soumis dans le cadre d’une consultation entreprise par les ACVM au sujet des normes de conduite des conseillers et des courtiers.
Le document du GRDSF aborde la question du « devoir de fiduciaire » qui forcerait les conseillers à agir dans le meilleur intérêt de leurs clients. En plus de la référence à l’article de la Presse, j’ai choisi d’illustrer la problématique par certains passages tirés du mémoire en question : Un devoir légal, uniforme et modulable d’agir au mieux des intérêts du client de détail*.
En somme, dans les relations avec les courtiers et les conseillers, les épargnants se retrouvent dans un état de dépendance et de vulnérabilité par rapport à ces professionnels. Ils sont dépendants parce qu’ils n’ont pas les connaissances spécialisées et le temps nécessaire pour agir eux-mêmes et ils sont vulnérables parce qu’ils doivent s’en remettre à la loyauté, à la compétence et à la diligence des professionnels pour l’exécution de prestations dont les résultats sont, pour la plupart, aléatoires, tout en pouvant difficilement les surveiller eux-mêmes et apprécier la qualité de leur travail de gestion. Et plus les pouvoirs conférés aux professionnels sont importants, plus la confiance des bénéficiaires de ces services est grande, plus les bénéficiaires se retrouvent en situation de dépendance et de vulnérabilité et, conséquemment, plus les risques auxquels ces derniers sont exposés sont grands.
Thin Client (Photo credit: ryan2point0)
Lorsqu’un client confie ses économies à un courtier ou à un conseiller pour obtenir des services de conseil et de gestion de portefeuille, ce type de relation fait naître un conflit d’intérêts « inhérent », c’est-à-dire un conflit qui est structurellement attaché à cette relation contractuelle, puisque la même personne poursuit deux ou plusieurs intérêts qui peuvent s’avérer contradictoires. Dans cette relation, le client, soit le « porteur de l’intérêt », confie une partie de ses intérêts à un courtier ou à un conseiller qui devient « l’interprète de l’intérêt » lequel prend en charge les intérêts du client en vue de faire fructifier le patrimoine de ce dernier. Le conflit d’intérêts est alors inévitable puisque la même personne, le professionnel, réunit deux types d’intérêts distincts, soit ses propres intérêts, d’une part, et les intérêts de son client, d’autre part.
En confiant ainsi ses intérêts au professionnel, le client présume que le professionnel substituera son propre intérêt à celui du client, c’est-à-dire qu’il agira au mieux des intérêts de ce dernier. La prise en charge des intérêts du client par le professionnel dans la prestation des services d’investissement exige donc, de la part de celui-ci, de respecter les attentes du client en donnant la primauté aux intérêts de ce dernier. Il s’agit là d’une caractéristique fondamentale qui distingue ce type de services de nature professionnelle des relations commerciales traditionnelles où les cocontractants présument que chacune des parties au contrat cherchera à promouvoir ses propres intérêts.
Dans la prestation de services d’investissement, la prise en charge, par le professionnel, des intérêts du client place toutefois ce dernier dans une situation de vulnérabilité accrue, car « celui qui confie ses intérêts doit nécessairement faire confiance, dans la mesure où il s’expose au risque que les prérogatives conférées soient exercées dans un intérêt distinct du sien ». Le porteur de l’intérêt doit se fier à la loyauté et à l’intégrité du professionnel, sans savoir si ce dernier renoncera à agir dans son propre intérêt. Ce conflit d’intérêts présente donc un risque dans la mesure où le professionnel peut privilégier ses propres intérêts au détriment des intérêts du client. En d’autres termes, la cohabitation d’intérêts distincts confiés au professionnel crée une situation propice à des manquements professionnels de la part de ce dernier…
… Dans cette perspective, l’adoption d’une norme légale commune imposant aux acteurs-clés une obligation d’agir dans le meilleur intérêt du client constituerait, à notre avis, un des moyens, pour les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, de transmettre un message clair et convaincant aux personnes assujetties en vue d’atteindre cet objectif de protection des investisseurs.
__________________________________________
*Mémoire préparé dans le cadre de la consultation 33-403 – Normes de conduite des conseillers et des courtiers – Opportunité d’introduire dans l’activité de conseil un devoir légal d’agir au mieux des intérêts du client de détail par Raymonde CRÊTE, LL.M., D.Jur., directrice du Groupe de recherche en droit des services financiers, professeure et avocate, Faculté de droit, Université Laval, Martin CÔTÉ, LL.B., candidat à la maîtrise et membre du Groupe de recherche en droit des services financiers, Faculté de droit, Université Laval, Cinthia DUCLOS, LL.B., MBA, candidate au doctorat et membre du Groupe de recherche en droit des services financiers, Faculté de droit, Université Laval
Auteur : Gouvernance des entreprises | Jacques Grisé
Ce blogue fait l’inventaire des documents les plus pertinents et récents en gouvernance des entreprises. La sélection des billets, « posts », est le résultat d’une veille assidue des articles de revue, des blogues et sites web dans le domaine de la gouvernance, des publications scientifiques et professionnelles, des études et autres rapports portant sur la gouvernance des sociétés, au Canada et dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Europe, et en Australie. Chaque jour, je fais un choix parmi l’ensemble des publications récentes et pertinentes et je commente brièvement la publication.
L’objectif de ce blogue est d’être la référence en matière de documentation en gouvernance dans le monde francophone, en fournissant au lecteur une mine de renseignements récents (les billets quotidiens) ainsi qu’un outil de recherche simple et facile à utiliser pour répertorier les publications en fonction des catégories les plus pertinentes.
Jacques Grisé est professeur titulaire retraité (associé) du département de management de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Il est détenteur d’un Ph.D. de la Ivy Business School (University of Western Ontario), d’une Licence spécialisée en administration des entreprises (Université de Louvain en Belgique) et d’un B.Sc.Comm. (HEC, Montréal). En 1993, il a effectué des études post-doctorales à l’University of South Carolina, Columbia, S.C. dans le cadre du Faculty Development in International Business Program.
Il a été directeur des programmes de formation en gouvernance du Collège des administrateurs de sociétés (CAS) de 2006 à 2012. Il est maintenant collaborateur spécial au CAS.
Il a été président de l’ordre des administrateurs agréés du Québec de 2015 à 2017.
Jacques Grisé a été activement impliqué dans diverses organisations et a été membre de plusieurs comités et conseils d'administration reliés à ses fonctions : Professeur de management de l'Université Laval (depuis 1968), Directeur du département de management (13 ans), Directeur d'ensemble des programmes de premier cycle en administration (6 ans), Maire de la Municipalité de Ste-Pétronille, I.O. (1993-2009), Préfet adjoint de la MRC l’Île d’Orléans (1996-2009).
Il est présentement impliqué dans les organismes suivants : membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ), membre du Comité des Prix et Distinctions de l'Université Laval. Il préside les organisations suivantes : Société Musique de chambre à Ste-Pétronille Inc. (depuis 1989), Groupe Sommet Inc. (depuis 1986), Coopérative de solidarité de Services à domicile Orléans (depuis 2019)
Jacques Grisé possède également une expérience de 3 ans en gestion internationale, ayant agi comme directeur de projet en Algérie et aux Philippines de 1977-1980 (dans le cadre d'un congé sans solde de l'Université Laval). Il est le Lauréat 2007 du Prix Mérite du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) et Fellow Adm.A. En 2012, il reçoit la distinction Hommage aux Bâtisseurs du CAS. En 2019, il reçoit la médaille de l’assemblée nationale.
Spécialités : Le professeur Grisé est l'auteur d’une soixantaine d’articles à caractère scientifique ou professionnel. Ses intérêts de recherche touchent principalement la gouvernance des sociétés, les comportements dans les organisations, la gestion des ressources humaines, les stratégies de changement organisationnel, le processus de consultation, le design organisationnel, la gestion de programmes de formation, notamment ceux destinés à des hauts dirigeants et à des membres de conseil d'administration.
Voir tous les articles par Gouvernance des entreprises | Jacques Grisé