Retour sur la résolution de la crise financière de 2008 et sur la gouvernance des entreprises


Le séminaire à la maîtrise de Gouvernance de l’entreprise (DRT-7022) dispensé  par Ivan Tchotourian*, professeur en droit des affaires de la Faculté de droit de l’Université Laval, entend apporter aux étudiants une réflexion originale sur les liens entre la sphère économico-juridique, la gouvernance des entreprises et les enjeux sociétaux actuels**.

Ce billet réalisé par les étudiants-chercheurs veut contribuer au partage des connaissances à une large échelle. Ces derniers ont travaillé sur un chapitre du livre « Handbook of Corporate Governance (SAGE Publications Ltd, 2012) d’Alice Klettner intitulé : « Corporate Governance and the Global Financial Crisis: The Regulatory Response ».

Dans le cadre de ce billet, les auteurs reviennent sur la nature des réponses apportées à la suite à la crise financière de 2008 et ils relèvent deux difficultés : (1) Le manque de recul et (2) la difficulté d’évaluer les bonnes pratiques et la structure d’un conseil d’administration.

Je vous en souhaite bonne lecture. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à lire ce compte rendu que j’en ai eu à le corriger – Ivan Tchotourian

Retour sur Corporate Governance and the Global Financial Crisis

par

Sarah Tanoh et Dane Kennedy-Tremblay

« Chaque âge amène ses problèmes; on les résout à l’âge suivant » disait Maurice Chapelan en 1957. Il aura fallu une crise financière mondiale d’une ampleur insoupçonnée pour que la communauté internationale prenne la mesure des lacunes latentes et préjudiciables en matière de régulation des activités financières. Les problèmes furent identifiés (ou, du moins, reconnus) et des solutions furent proposées au lendemain de la crise de 2008. Les pratiques de gouvernance de l’entreprise furent considérées comme étant l’un des moteurs de l’effondrement de l’économie mondiale.

crise-bourse-05

Il était impératif de limiter la dispersion des effets de la crise et de renforcer le secteur financier afin qu’il puisse se relever et se maintenir. Pour cela, il était nécessaire de lui offrir de nouveaux appuis. C’est sur deux niveaux que le monde pris des mesures régulatrices. Une coordination internationale accompagna les mesures nationales, celles-ci tenant davantage compte des spécificités culturelles et politiques de chaque pays.

Sur le plan international, le Forum de la stabilité financière (FSF), sur lequel se fonda le G20 en 2009, établit cinq actions concrètes dans cinq domaines parmi lesquels on retrouve la gestion du risque, et plus particulièrement les mécanismes de rémunération. Les principes établis par le FSF eurent une portée toute particulière puisqu’ils ont servi de lignes directrices aux États participants au G20 (et peut-on espérer, au-delà). L’OCDE a également influencé les mesures régulatrices prises indépendamment par chaque État, notamment en énonçant à la suite de l’analyse du Steering Group qu’il n’était pas nécessaire de réformer les principes de gouvernance d’entreprise de l’OCDE mais qu’il fallait améliorer leur application. La conclusion fut de laisser au secteur privé lui-même la responsabilité d’améliorer l’application des principes sur la base du volontariat !

Sur le plan national, la réponse à la crise fut relativement similaire bien que l’accent fut mis sur certains pans de la gouvernance de l’entreprise selon les sensibilités politiques et la situation particulière de chaque pays. Aux États-Unis, le Dodd-Frank Act fut édicté en 2010 et eut une grande portée. Bien que considérée comme insuffisante, cette mesure législative eut néanmoins le mérite de proposer des mesures plus sévères à l’égard de ceux qui tiennent les rennes des grandes organisations du secteur privé. En Grande-Bretagne, on proposa une réforme du système dans son ensemble au niveau des organismes de régulation eux-mêmes. Le système Twin-Peaks (reposant sur une prudential regulation authority et un consumer protection and markets authority) fut envisagé en remplacement du système tripartite reposant sur la Bank of England, le trésor public et l’autorité des marchés financiers.

En ce qui concerne les mesures plus particulières, il est intéressant de noter que le Royaume-Uni a axé ses réformes sur les performances du conseil d’administration et les engagements des actionnaires, tandis que les États-Unis axèrent leurs réformes sur un système de rémunération davantage transparent.

Cet article de Klettner nous offre un bon aperçu des réponses apportées au lendemain de la crise eu égard à la gouvernance d’entreprise, tant par les organisations internationales publiques, que par les pays eux-mêmes. L’un des points positifs de l’article est qu’il reconnaît des limites à ces réformes. Deux difficultés sont à relever :

(1) Le manque de recul

Qu’elles aient principalement visées la nature du conseil (et son évaluation) ou sa façon de gérer le risque (plus particulièrement les mécanismes de rémunération de ses membres), les nouvelles normes en matière de bonne gouvernance ont été adoptées plutôt récemment. Il est encore tôt pour juger de leur efficacité !

(2) La difficulté d’évaluer les bonnes pratiques et la structure d’un conseil d’administration

L’évaluation de la performance est encouragée mais n’est pas obligatoire comme nous l’avons vu plus haut. Bien entendu, une telle évaluation peut certainement être faite selon différents critères qui ont semblé permettre une meilleure performance durant la crise. Néanmoins, certains critères sont beaucoup plus difficiles à évaluer bien que primordiaux. Le niveau d’expérience et l’expertise des membres du conseil d’administration sont très importants lorsque de bonnes courroies de transmission de l’information existent. Néanmoins, ce ne sont pas les seuls garants de l’efficacité ! De quelle manière pouvons-nous alors réguler ou promouvoir la cohésion d’un conseil, la bonne foi de ses membres et la tenue de débats constructifs ?

Enfin, au moment de la crise de 2008, la gouvernance des entreprises – et plus particulièrement des institutions financières – était inadéquate : des modèles d’affaires trop agressifs, combinés à une régulation prudentielle imprudente semblent y avoir été des facteurs déterminants. Ainsi, hier fut l’âge de la crise, et aujourd’hui celui des solutions.

Mais, comment savoir si les recommandations en matière de gouvernance, qui furent promulguées à la suite de la dernière crise, protègeront d’une éventuelle nouvelle dégradation brutale future ? Une telle situation survient, par définition, lorsque la plupart des acteurs ne s’y attendent pas…


*Ivan Tchotourian, professeur en droit des affaires, codirecteur du Centre d’Études en Droit Économique (CÉDÉ), membre du Groupe de recherche en droit des services financiers (www.grdsf.ulaval.ca), Faculté de droit, Université Laval.

**Le séminaire s’interroge sur le contenu des normes de gouvernance et leur pertinence dans un contexte de profonds questionnements des modèles économique et financier. Dans le cadre de ce séminaire, il est proposé aux étudiants depuis l’hiver 2014 d’avoir une expérience originale de publication de leurs travaux de recherche qui ont porté sur des sujets d’actualité de gouvernance d’entreprise.

 

Auteur : Gouvernance des entreprises | Jacques Grisé

Ce blogue fait l’inventaire des documents les plus pertinents et récents en gouvernance des entreprises. La sélection des billets, « posts », est le résultat d’une veille assidue des articles de revue, des blogues et sites web dans le domaine de la gouvernance, des publications scientifiques et professionnelles, des études et autres rapports portant sur la gouvernance des sociétés, au Canada et dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Europe, et en Australie. Chaque jour, je fais un choix parmi l’ensemble des publications récentes et pertinentes et je commente brièvement la publication. L’objectif de ce blogue est d’être la référence en matière de documentation en gouvernance dans le monde francophone, en fournissant au lecteur une mine de renseignements récents (les billets quotidiens) ainsi qu’un outil de recherche simple et facile à utiliser pour répertorier les publications en fonction des catégories les plus pertinentes. Jacques Grisé est professeur titulaire retraité (associé) du département de management de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Il est détenteur d’un Ph.D. de la Ivy Business School (University of Western Ontario), d’une Licence spécialisée en administration des entreprises (Université de Louvain en Belgique) et d’un B.Sc.Comm. (HEC, Montréal). En 1993, il a effectué des études post-doctorales à l’University of South Carolina, Columbia, S.C. dans le cadre du Faculty Development in International Business Program. Il a été directeur des programmes de formation en gouvernance du Collège des administrateurs de sociétés (CAS) de 2006 à 2012. Il est maintenant collaborateur spécial au CAS. Il a été président de l’ordre des administrateurs agréés du Québec de 2015 à 2017. Jacques Grisé a été activement impliqué dans diverses organisations et a été membre de plusieurs comités et conseils d'administration reliés à ses fonctions : Professeur de management de l'Université Laval (depuis 1968), Directeur du département de management (13 ans), Directeur d'ensemble des programmes de premier cycle en administration (6 ans), Maire de la Municipalité de Ste-Pétronille, I.O. (1993-2009), Préfet adjoint de la MRC l’Île d’Orléans (1996-2009). Il est présentement impliqué dans les organismes suivants : membre de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec (OAAQ), membre du Comité des Prix et Distinctions de l'Université Laval. Il préside les organisations suivantes : Société Musique de chambre à Ste-Pétronille Inc. (depuis 1989), Groupe Sommet Inc. (depuis 1986), Coopérative de solidarité de Services à domicile Orléans (depuis 2019) Jacques Grisé possède également une expérience de 3 ans en gestion internationale, ayant agi comme directeur de projet en Algérie et aux Philippines de 1977-1980 (dans le cadre d'un congé sans solde de l'Université Laval). Il est le Lauréat 2007 du Prix Mérite du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) et Fellow Adm.A. En 2012, il reçoit la distinction Hommage aux Bâtisseurs du CAS. En 2019, il reçoit la médaille de l’assemblée nationale. Spécialités : Le professeur Grisé est l'auteur d’une soixantaine d’articles à caractère scientifique ou professionnel. Ses intérêts de recherche touchent principalement la gouvernance des sociétés, les comportements dans les organisations, la gestion des ressources humaines, les stratégies de changement organisationnel, le processus de consultation, le design organisationnel, la gestion de programmes de formation, notamment ceux destinés à des hauts dirigeants et à des membres de conseil d'administration.

Une réflexion sur “Retour sur la résolution de la crise financière de 2008 et sur la gouvernance des entreprises”

Qu'en pensez-vous ?

Ce site utilise Akismet pour réduire le pourriel. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.