Aujourd’hui, je partage avec vous un article publié dans le magazine suisse Le Temps.ch qui présente les résultats d’une recherche sur la bonne gouvernance des caisses de retraite en lien avec les recommandations des fonds de placement tels que BlackRock.
L’auteur, Emmanuel Garessus, montre que même si le lien entre la performance des sociétés et la bonne gouvernance semble bien établi, les caisses de retraite faisant l’objet de la recherche ont des indices de gouvernance assez dissemblables. L’étude montre que les caisses ayant des indices de gouvernance faibles ont des rendements plus modestes en comparaison avec les indices de référence retenus.
Également, il ressort de cette étude que c’était surtout la prédominance de la gestion des risques qui était associée à la performance des caisses de retraite.
Comme le dit Christian Ehmann, spécialisé dans la sélection de fonds de placement auprès de Safra Sarasin, « la gouvernance n’est pas une cause de surperformance, mais il existe un lien direct entre les deux ».
Encore une fois, il appert que BlackRock défend les petits épargnants-investisseurs en proposant des normes de gouvernance uniformisées s’appliquant au monde des entreprises cotées en bourses.
J’ai reproduit l’article en français ci-dessous afin que vous puissiez bien saisir l’objet de l’étude et ses conclusions.
Bonne lecture ! Vos commentaires sont les bienvenus.
BlackRock contre Facebook, un combat de géants
Le principe de gouvernance selon lequel une action donne droit à une voix en assemblée générale est bafoué par de très nombreuses sociétés, surtout technologiques, au premier rang desquelles on trouve Facebook, Snap, Dropbox et Google. BlackRock, le plus grand groupe de fonds de placement du monde, demande aux autorités d’intervenir et de présenter des standards minimaux, indique le Financial Times.
Le groupe dont Philipp Hildebrand est vice-président préfère un appel à l’Etat plutôt que de laisser les fournisseurs d’indices (MSCI, Dow Jones, etc.) modifier la composition des indices en y intégrant divers critères d’exclusion. Barbara Novick, vice-présidente de BlackRock, a envoyé une lettre à Baer Pettit, président de MSCI, afin de l’informer de son désir de mettre de l’ordre dans les structures de capital des sociétés cotées.
Mark Zuckerberg détient 60% des droits de vote
De nombreuses sociétés ont deux catégories d’actions donnant droit à un nombre distinct de droits de vote. Les titres Facebook de la classe B ont par exemple dix fois plus de droits de vote que ceux de la classe A. Mark Zuckerberg, grâce à ses actions de classe B (dont il détient 75% du total), est assuré d’avoir 60% des droits de vote du groupe. A la suite du dernier scandale lié à Cambridge Analytica, le fondateur du réseau social ne court donc aucun risque d’être mis à la porte, explique Business Insider. L’intervention de BlackRock n’empêche pas l’un de ses fonds (Global Allocation Fund) d’avoir probablement accumulé des titres Facebook après sa correction de mars, selon Reuters, pour l’intégrer dans ses dix principales positions.
Cette structure du capital répartie en plusieurs catégories d’actions permet à un groupe d’actionnaires, généralement les fondateurs, de contrôler la société avec un minimum d’actions. Les titres ayant moins ou pas de droit de vote augmentent de valeur si la société se développe bien, mais leurs détenteurs ont moins de poids en assemblée générale. Les sociétés qui disposent d’une double catégorie de titres la justifient par le besoin de se soustraire aux réactions à court terme du marché boursier et de rester ainsi concentrés sur les objectifs à long terme. Ce sont souvent des sociétés technologiques.
Facebook respecte très imparfaitement les principes de bonne conduite en matière de gouvernance. Mark Zuckerberg, 33 ans, est en effet à la fois président du conseil d’administration et président de la direction générale. Ce n’est pas optimal puisque, en tant que président, il se contrôle lui-même. Sa rémunération est également inhabituelle. Sur les 8,9 millions de dollars de rémunération, 83% sont liés à ses frais de sécurité et le reste presque entièrement à l’utilisation d’un avion privé (son salaire est de 1 dollar et son bonus nul).
Quand BlackRock défend le petit épargnant
Le site de prévoyance IPE indique que le fonds de pension suédois AP7, l’un des plus grands actionnaires du réseau social, est parvenu l’an dernier à empêcher l’émission d’une troisième catégorie de titres Facebook. Cette dernière classe d’actions n’aurait offert aucun droit de vote. Une telle décision, si elle avait été menée à bien, aurait coûté 10 milliards de dollars à AP7. Finalement Facebook a renoncé.
BlackRock prend la défense du petit investisseur. Il est leader de la gestion indicielle et des ETF et ses produits restent investis à long terme dans tous les titres composant un indice. Il préfère influer sur la gouvernance par ses prises de position que de vendre le titre. Le plus grand groupe de fonds de placement du monde demande aux autorités de réglementation d’établir des standards de gouvernance en collaboration avec les sociétés de bourse plutôt que de s’en remettre aux fournisseurs d’indices comme MSCI.
La création de plusieurs classes d’actions peut être justifiée par des start-up en forte croissance dont les fondateurs ne veulent pas diluer leur pouvoir. BlackRock reconnaît ce besoin spécifique aux start-up en forte croissance, mais le gérant estime que «ce n’est acceptable que durant une phase transitoire. Ce n’est pas une situation durable.»
Le géant des fonds de placement aimerait que les producteurs d’indices soutiennent sa démarche et créent des «indices alternatifs» afin d’accroître la transparence et de réduire l’exposition aux sociétés avec plusieurs catégories de titres. L’initiative de BlackRock est également appuyée par George Dallas, responsable auprès du puissant International Corporate Governance Network (ICGN).
La gouvernance des «bonnes caisses de pension»
La recherche économique a largement démontré l’impact positif d’une bonne gouvernance sur la performance d’une entreprise. Mais presque tout reste à faire en matière de fonds de placement et de caisses de pension.
«La gouvernance n’est pas une cause de surperformance, mais il existe un lien direct entre les deux. Les caisses de pension qui appartiennent au meilleur quart en termes de bonne gouvernance présentent une surperformance de 1% par année par rapport au moins bon quart», explique Christian Ehmann, spécialisé dans la sélection de fonds de placement auprès de Safra Sarasin, lors d’une présentation organisée par la CFA Society Switzerland, à Zurich.
Ce dernier est avec le professeur Manuel Ammann coauteur d’une étude sur la gouvernance et la performance au sein des caisses de pension suisses (Is Governance Related to Investment Performance and Asset Allocation?, Université de Saint-Gall, 2016). «Le travail sur cette étude m’a amené à porter une attention particulière à la gouvernance des fonds de placement dans mon travail quotidien», déclare Christian Ehmann. Son regard porte notamment sur la structure de l’équipe de gestion, son organisation et son système de gestion des risques. «Je m’intéresse par exemple à la politique de l’équipe de gérants en cas de catastrophe», indique-t-il.
Claire surperformance
L’étude réalisée sur 139 caisses de pension suisses, représentant 43% des actifs gérés, consiste à noter objectivement la qualité de la gouvernance et à définir le lien avec la performance de gestion. L’analyse détaille les questions de gouvernance en fonction de six catégories, de la gestion du risque à la transparence des informations en passant par le système d’incitations, l’objectif et la stratégie d’investissement ainsi que les processus de placement. Sur un maximum de 60 points, la moyenne a été de 21 (plus bas de 10 et plus haut de 50). La dispersion est donc très forte entre les caisses de pension. Certaines institutions de prévoyance ne disposent par exemple d’aucun système de gestion du risque.
Les auteurs ont mesuré la performance sur trois ans (2010 à 2012), le rendement relatif par rapport à l’indice de référence et l’écart de rendement par rapport au rendement sans risque (ratio de Sharpe). Toutes ces mesures confirment le lien positif entre la gouvernance et la performance (gain de 2,7 points de base par point de gouvernance). Les moteurs de surperformance proviennent clairement de la gestion du risque et du critère portant sur les objectifs et la stratégie d’investissement. Les auteurs constatent aussi que même les meilleurs, en termes de gouvernance, sous-performent leur indice de référence.
La deuxième étape de la recherche portait sur l’existence ou non d’une relation entre le degré de gouvernance et l’allocation des actifs. Ce lien n’a pas pu être établi.
17 La cr ation de comit s de surveillance au sein des conseils d administration est l une des modalit s d am lioration du fonctionnement de cet organe, et plus largement de la gouvernance d entreprise, pr conis e par les codes de bonne conduite, notamment le premier rapport Vi not (1995). Toutefois, en droit fran ais, ces comit s (comit d audit, comit de r mun ration et comit de s lection) n engagent pas leur responsabilit vis- -vis des actionnaires et ainsi ne r pondent pas l exigence d ind pendance v hicul e par le concept anglosaxon. Non seulement l adoption des comit s reste la discr tion des entreprises mais ces comit s ne peuvent avoir qu un pouvoir purement consultatif. Suite l observation de la d faillance de ce m canisme de gouvernance, certains auteurs (dont Pochet et Yeo, 2004) ont sugg r que la cr ation des comit s de surveillance ne rev tait en France qu un caract re purement formel, destin satisfaire aux exigences des investisseurs anglo-saxons, sans traduire une r alit de fonctionnement r pondant aux attentes du march , sp cialement en mati re d ind pendance vis- -vis du dirigeant. D s lors, se pose la question de savoir ce qui motive leur adoption par un nombre toujours croissant d entreprises cot es.